On ne le devient pas par choix…on devient philosophe parce que la vie est trop difficile et trop intéressante pour qu’on ne prenne pas le temps d’y réfléchir.
Parce que, enfant, on peut être plutôt solitaire, plutôt timide, vite effrayé ou chagriné… Ou que nos parents, si différents l’un de l’autre et de nous, en donnaient une image plutôt inquiétante ou déstabilisatrice…
On se défend comme on peut…on lutte à sa façon pour se protéger. A ce stade la vie intérieure nous fait une espèce de protection contre l’autre, contre la vraie, celle qui fait mal, celle qu’on vit à plusieurs. On se doute que ce n’était pas encore de la philosophie. Mais c’était un premier pas dans sa direction.
On devient philosophe parce qu’on se sent plus à l’aise avec soi qu’avec les autres…parce que les idées nous sont plus rassurantes que le réel…parce qu’on est plus passionné par la pensée que par la vie… Seraient-elles de mauvaises raisons pour devenir philosophe… mais elles nous paraissent normales et saines, car après tout, car avant tout, philosopher c’est penser la vie. Philosopher c’est apprendre à vivre.
S’il ne s’agissait que de penser, les mathématiques feraient aussi bien l’affaire. Ces histoires de triangle, de cosinus, de racines carrées, que m’importait ? Quoi de plus dérisoire qu’un théorème?…Les mathématiques s’est ennuyant…c’est ennuyeux…même quand il s’agit de la géométrie dans l’espace, pour moi, c’est tellement plat. Mais la vie ou la mort, mais l’angoisse ou la sérénité, cela me semblait des questions autrement sérieuses et passionnantes ! Si j’avais été un triangle, la géométrie aurait pu m’intéresser. Mais j’étais un jeune homme : seul ce qui touchait à l’humanité pouvait me passionner.
Je voulais retrouver le réel…je ne veux pas inventer des systèmes utopiques…ni suivre des idées figées et bien classées mais je voulais bien vivre et aider les autres à vivre. Parce que vivre est loin de vivoter.
Devenir philosophe ce n’est point retenir le programme de philosophie de la classe terminale…mais c’est oser penser les choses…c’est oser apprivoiser la vie…c’est oser comprendre l’homme. Et ceci pour mettre l’angoisse à distance, à force de l’affronter sans masque. La philosophie ne sert pas à se protéger de la vie, ce que nul ne peut ni ne doit, mais au contraire à vivre plus intensément, plus lucidement, plus librement…
Pourquoi devient-on philosophe ? Par goût et difficulté de vivre. Le goût s’est plutôt accru. La difficulté n’a pas disparu. Cela ne veut point dire que nous aurons philosophé en vain. Mais plutôt que la philosophie n’est qu’une dimension de l’existence humaine, toujours nécessaire, jamais suffisante. L’important n’est pas de devenir philosophe. L’important, c’est de penser mieux, pour vivre mieux. Le but est de caresser la sagesse : la vie la plus heureuse et la plus intelligente possible. Nul ne l’atteint tout à fait. C’est pourquoi nous avons tous besoin, toujours, de philosopher. Les idées sont des outils : elles ne valent qu’au service de la vie, et jamais à sa place.
Au fond la vie est plus intéressante que la philosophie, et c’est ce que la philosophie m’a appris de plus précieux.
Philosophons…Vivons…Osons…Creusons…pour remonter à la surface…pour construire ses ailes… pour créer le vent…et pour enfin se retrouver…s’accepter…aller vers l’autre pour revenir vers soi…
…je n’ai pas cherché la philosophie…elle m’a trouvé…elle m’a hanté dès mon plus jeune âge quand je voulais savoir où va la couleur blanche quand la neige fond…quand je voulais savoir pourquoi la vie se termine…quand je voulais savoir pourquoi et comment…puis je suis devenu GRAND, je l’ai chassé…car je suis devenu GRAND donc rationnel…donc j’accepte les théories et je marche dans des chantiers dessinés…mais quand j’ai accepté de croitre plus que de grandir…j’ai ouvert une fenêtre dans ma tête…l’air vivifiant est rentré et il a pu raviver cette petite flamme latente en moi…et depuis je brûle de ce feu…un feu philosophe…