Les préjugés dans la relation éducative (Dunia El Moukaddam)

 

Qu’il est facile de céder aux préjugés et de définir l’autre selon son propre cadre de référence. Avec quelle gratuité on peut le condamner et le résumer ! Avec quelle évidence on se permet de le diminuer et de le réduire ! L’autorité éducative devient périlleuse quand elle  se trouve prisonnière de ses préjugés jusqu’au point d’être elle-même leur auteur et leur effet.

Là où il faut qu’elle apporte confiance, elle sème le doute. Là où il faut qu’elle rassure, elle menace. Là où il faut qu’elle donne espoir, elle condamne. Là où il faut qu’elle respecte, elle humilie. Là où il faut qu’elle accueille, elle rejette. Là où il faut qu’elle croie en un élan, elle garantit l’échec. Supposée être exemplaire et repère de sécurité, elle manque de patience et d’humilité.

L’autorité éducative est une autorité bienveillante et humble, légitime et reconnue pour son écoute intérieure et confiante. Du laid, elle tire le beau. Du fatalisme, elle cultive l’espérance. Dans le noir, elle cherche le rayon de lumière. Là où tout le monde démissionne, elle est celle qui sait attendre. Là où personne ne continue le chemin, elle choisit d’aller  jusqu’au bout. Mais pour elle, le bout n’existe pas, son espérance est sans fin, tout simplement parce qu’elle croit, surtout parce qu’elle aime. C’est son amour qui lui permet d’accueillir l’autre tel qu’il est et de demeurer dans la quête de sa singularité et de sa différence.

L’autorité bienveillante rencontre. Parce qu’elle est sagesse, sensibilité et intuition, elle permet la rencontre. Porteuse d’une parole de vie, elle est essentiellement une qualité de présence. Au-delà des préjugés qui maîtrisent et possèdent l’autre, loin des étiquettes qui certifient sa marque conforme ou non conforme, elle découvre les richesses de l’autre et lui permet surtout de se révéler à lui-même. Elle l’encourage à émerger à ses propres yeux et aux yeux des autres.

L’autorité bienveillante est « un repère dans un monde sans repères ». Il est difficile de ne pas la rechercher  quand le monde vacille dans l’intolérance qui devient de plus en plus normale. L’intolérance n’est-elle pas une forme de violence qu’on exerce déjà dans nos pensées et nos paroles au nom de nos convictions et croyances ?