Entre l’acte d’enseigner-apprendre et l’autonomie : une relation, un cheminement et une transformation

Certaines séances de cours ont quelque chose d’unique ! Quand la réflexion porte (et emporte) loin, enrichie par une audience qui contribue à la construire, quand le discours résonne, se transforme pour s’élargir et avoir un autre Sens, c’est tout simplement magique ! Quand le cours comporte plus de questionnements que de réponses, plus d’incertitudes que d’évidences, quand une mécanique se met en place pour déverrouiller et libérer des idées prisonnières d’habitudes séculaires ou d’une éducation rigide, c’est tout simplement formidable ! Quand le cours vous permet, à chaque fois, d’apprendre quelque chose de nouveau sur vous-même et qu’il devient une occasion renouvelée de développement personnel et professionnel, c’est tout simplement extraordinaire !

Une des séances d’un cours commence avec une réflexion sur le concept de l’autonomie et une question : « en tant qu’éducatrices au préscolaire et primaire ou qu’orthopédagogues, seriez-vous prête à échanger votre place avec un élève de votre classe ? Et si l’élève présente des besoins éducatifs particuliers ? ». Une question suivie d’un silence liturgique mais assourdissant, puis d’un flot de réactions de scepticisme, de surprise, de « bien sûr que non ! », « d’ailleurs il ne pourrait pas ou du moins pas seul », « il est encore jeune / enfant », « mais il présente une déficience ou un trouble », « il a besoin de moi », « il ne peut pas tout faire », « et moi alors ? que vais-je devenir ?», « c’est impossible ! »

La réflexion bute lorsqu’on demande aux étudiants s’ils se perçoivent comme étant des personnes autonomes. Les réponses vont de franchement positives, à franchement négatives. Pour certains, le mot est évident sans nécessairement qu’ils ne soient capables de le définir. Pour d’autres, c’est une quête presque inaccessible selon que l’autonomie est perçue comme finalité, valeur ou objectif. Plusieurs conceptions contribuent à renforcer l’opacité des réponses :

Lorsque l’autonomie est réduite à une simple capacité d’action, le fameux « faire seul » ;

Lorsque l’augmentation des prescriptions, des injonctions et des normes auxquelles l’apprenant est soumis ajoute à la confusion autour de la conception binaire de l’autonomie « soit il est autonome, soit il ne l’est pas » ; ou « autonome vs indépendant » ; ou encore « sois autonome ! » ;

Lorsque de vieilles habitudes ancrées dans notre héritage éducatif et culturel minent le plaisir d’éduquer, d’enseigner, d’apprendre ou de faire autrement « on a toujours fait ainsi » ;

Lorsque l’autonomie rime avec « je fais ce que je veux, quand je veux et de la manière que je veux » ou aussi « ce que les autres pensent ou disent ne me regarde pas » ;

Lorsque l’autonomie est comprise comme un état acquis, corrélé à l’âge civil de la personne : impossible à un âge jeune, atteint à la majorité et perdu ou sérieusement affecté par les effets du temps et de l’âge avancé ;

Lorsque l’autonomie est conditionnée par un corps ou un esprit répondant à des critères précis, un état considéré comme « normal » par une société qui le décrète ; 

Lorsque l’autonomie est définie en fonction d’autres concepts comme la liberté, la volonté ou la responsabilité…

C’est ainsi que l’éducation à l’autonomie atteint son plafond de verre dans des contextes imperméables qui reproduisent les mêmes vieux schémas familiaux et sociaux : « on a tous été éduqués de cette façon » en alléguant que « cela ne nous a pas empêchés de grandir et de s’épanouir ». Et paradoxalement, on se demande alors comment faire des habits neufs avec des pratiques anciennes et rigides ? Si l’on continue à faire ce qu’on a toujours fait, de la même manière, comment pouvons-nous nous attendre à obtenir des résultats différents ?

En parallèle, « Nous devons aider l’apprenant ou l’enfant, il a besoin de nous » et « Qu’est-ce que le fait de vouloir aider quelqu’un, de lui donner un coup de pouce ou de le protéger a de mal ? ». Les multiples actions quotidiennes ont souvent l’air anodines et pourtant elles pourront se révéler toxiques lorsqu’elles deviennent automatisées ou imposées. Après un temps de débat et de réflexion, certains étudiants arrivent à comprendre que le fait « d’aider » pourrait nuire grandement à l’apprentissage autonome qui suppose de reconnaitre et de permettre le rôle actif de l’apprenant. Est-il possible de rompre avec des pratiques pédagogiques qui condamnent l’initiative personnelle et transforment les apprenants en simples exécutants ? « Oui…  mais c’est impossible avec un programme surchargé… ».

En contrepartie, l’enseignant est-il capable de gérer des aléas et des situations chaque fois singulières, chaque fois nouvelles ? Est-il en mesure d’arbitrer à l’instant même, en pleine situation, pour imaginer le meilleur choix à faire ? 

L’autonomie est au cœur de l’activité d’enseigner et d’apprendre, indissociable de l’engagement subjectif de l’enseignant et de l’apprenant. La relation entre l’autonomie et l’enseignement-apprentissage est d’une nature telle que l’un et l’autre se transforment mutuellement. Ce processus de transformation n’est jamais termi

Certaines séances de cours ont quelque chose d’unique ! Quand la réflexion porte (et emporte) loin, enrichie par une audience qui contribue à la construire, quand le discours résonne, se transforme pour s’élargir et avoir un autre Sens, c’est tout simplement magique ! Quand le cours comporte plus de questionnements que de réponses, plus d’incertitudes que d’évidences, quand une mécanique se met en place pour déverrouiller et libérer des idées prisonnières d’habitudes séculaires ou d’une éducation rigide, c’est tout simplement formidable ! Quand le cours vous permet, à chaque fois, d’apprendre quelque chose de nouveau sur vous-même et qu’il devient une occasion renouvelée de développement personnel et professionnel, c’est tout simplement extraordinaire !

Une des séances d’un cours commence avec une réflexion sur le concept de l’autonomie et une question : « en tant qu’éducatrices au préscolaire et primaire ou qu’orthopédagogues, seriez-vous prête à échanger votre place avec un élève de votre classe ? Et si l’élève présente des besoins éducatifs particuliers ? ». Une question suivie d’un silence liturgique mais assourdissant, puis d’un flot de réactions de scepticisme, de surprise, de « bien sûr que non ! », « d’ailleurs il ne pourrait pas ou du moins pas seul », « il est encore jeune / enfant », « mais il présente une déficience ou un trouble », « il a besoin de moi », « il ne peut pas tout faire », « et moi alors ? que vais-je devenir ?», « c’est impossible ! »

La réflexion bute lorsqu’on demande aux étudiants s’ils se perçoivent comme étant des personnes autonomes. Les réponses vont de franchement positives, à franchement négatives. Pour certains, le mot est évident sans nécessairement qu’ils ne soient capables de le définir. Pour d’autres, c’est une quête presque inaccessible selon que l’autonomie est perçue comme finalité, valeur ou objectif. Plusieurs conceptions contribuent à renforcer l’opacité des réponses :

Lorsque l’autonomie est réduite à une simple capacité d’action, le fameux « faire seul » ;

Lorsque l’augmentation des prescriptions, des injonctions et des normes auxquelles l’apprenant est soumis ajoute à la confusion autour de la conception binaire de l’autonomie « soit il est autonome, soit il ne l’est pas » ; ou « autonome vs indépendant » ; ou encore « sois autonome ! » ;

Lorsque de vieilles habitudes ancrées dans notre héritage éducatif et culturel minent le plaisir d’éduquer, d’enseigner, d’apprendre ou de faire autrement « on a toujours fait ainsi » ;

Lorsque l’autonomie rime avec « je fais ce que je veux, quand je veux et de la manière que je veux » ou aussi « ce que les autres pensent ou disent ne me regarde pas » ;

Lorsque l’autonomie est comprise comme un état acquis, corrélé à l’âge civil de la personne : impossible à un âge jeune, atteint à la majorité et perdu ou sérieusement affecté par les effets du temps et de l’âge avancé ;

Lorsque l’autonomie est conditionnée par un corps ou un esprit répondant à des critères précis, un état considéré comme « normal » par une société qui le décrète ; 

Lorsque l’autonomie est définie en fonction d’autres concepts comme la liberté, la volonté ou la responsabilité…

C’est ainsi que l’éducation à l’autonomie atteint son plafond de verre dans des contextes imperméables qui reproduisent les mêmes vieux schémas familiaux et sociaux : « on a tous été éduqués de cette façon » en alléguant que « cela ne nous a pas empêchés de grandir et de s’épanouir ». Et paradoxalement, on se demande alors comment faire des habits neufs avec des pratiques anciennes et rigides ? Si l’on continue à faire ce qu’on a toujours fait, de la même manière, comment pouvons-nous nous attendre à obtenir des résultats différents ?

En parallèle, « Nous devons aider l’apprenant ou l’enfant, il a besoin de nous » et « Qu’est-ce que le fait de vouloir aider quelqu’un, de lui donner un coup de pouce ou de le protéger a de mal ? ». Les multiples actions quotidiennes ont souvent l’air anodines et pourtant elles pourront se révéler toxiques lorsqu’elles deviennent automatisées ou imposées. Après un temps de débat et de réflexion, certains étudiants arrivent à comprendre que le fait « d’aider » pourrait nuire grandement à l’apprentissage autonome qui suppose de reconnaitre et de permettre le rôle actif de l’apprenant. Est-il possible de rompre avec des pratiques pédagogiques qui condamnent l’initiative personnelle et transforment les apprenants en simples exécutants ? « Oui…  mais c’est impossible avec un programme surchargé… ».

En contrepartie, l’enseignant est-il capable de gérer des aléas et des situations chaque fois singulières, chaque fois nouvelles ? Est-il en mesure d’arbitrer à l’instant même, en pleine situation, pour imaginer le meilleur choix à faire ? 

L’autonomie est au cœur de l’activité d’enseigner et d’apprendre, indissociable de l’engagement subjectif de l’enseignant et de l’apprenant. La relation entre l’autonomie et l’enseignement-apprentissage est d’une nature telle que l’un et l’autre se transforment mutuellement. Ce processus de transformation n’est jamais terminé, toujours provisoire au cours duquel la personne (apprenant ou enseignant) tente de devenir plus autonome, plus capable (empowered) non seulement pour elle-même mais aussi pour celles autour d’elle. Ainsi, un enseignant autonome va rendre plus capables toutes les personnes avec qui il travaille (collègues et apprenants) en leur apportant le soutien dont elles auraient besoin (« en effet, j’ai le pouvoir et donc je me sens bien et cela me motive »). L’apprenant fera de même avec les pairs et les adultes autour de lui (« c’est l’apprenant qui m’a aidé à mieux comprendre comment faire ! ».

L’autonomie sera ainsi un levier essentiel de performance et de développement. Elle dépassera le simple niveau d’exécution (effectuer les tâches prescrites) pour atteindre celui d’influencer son environnement.

né, toujours provisoire au cours duquel la personne (apprenant ou enseignant) tente de devenir plus autonome, plus capable (empowered) non seulement pour elle-même mais aussi pour celles autour d’elle. Ainsi, un enseignant autonome va rendre plus capables toutes les personnes avec qui il travaille (collègues et apprenants) en leur apportant le soutien dont elles auraient besoin (« en effet, j’ai le pouvoir et donc je me sens bien et cela me motive »). L’apprenant fera de même avec les pairs et les adultes autour de lui (« c’est l’apprenant qui m’a aidé à mieux comprendre comment faire ! ».

L’autonomie sera ainsi un levier essentiel de performance et de développement. Elle dépassera le simple niveau d’exécution (effectuer les tâches prescrites) pour atteindre celui d’influencer son environnement.

Viviane Bou Sreih

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